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« La mort est notre meilleure amie », aimait proclamer avec un zeste de provocation Attilio Codognato. Le joaillier a fini par y céder lui-même le 13 novembre 2023, à 86 ans. Ses enfants ne dessineront pas à leur tour les têtes de mort aux yeux de diamants, camées, crucifix, chaînes, serpents et autres bijoux aussi luxueux que macabres qui font depuis cent cinquante ans la notoriété de cette institution familiale vénitienne.
Sa descendance a décidé, à la surprise générale, de confier le flambeau à Francesca Amfitheatrof. Non seulement l’Américaine sera la première femme aux commandes du style Codognato depuis la fondation de l’établissement en 1866, mais elle conservera son poste de directrice artistique de la joaillerie et de l’horlogerie chez Louis Vuitton. Soit l’un des plus improbables cumuls de mandats, entre la locomotive tapageuse du groupe LVMH et une adresse italienne clivante, réservée aux connaisseurs et toujours indépendante…
C’est dans ce contexte endeuillé que paraît chez Assouline le beau livre Codognato Masterpiece. Autant dire que sa lecture donne l’impression d’une œuvre testament. Page après page, à travers deux cent cinquante images de bijoux sombres et somptueux et d’un récit (en anglais) écrit par le journaliste William Middleton, se déplie l’épopée des Codognato. L’arrière-grand-père Simeone, d’abord, qui installe son affaire dans une boutique au 1295 calle dell’Ascensione, dont « l’intérieur ne mesurait que quatre mètres sur six ». Puis le grand-père, nommé lui aussi Attilio, qui introduit le premier les bijoux vanités, les camées et le recours aux pierres anciennes.
Sous sa férule, têtes de mort montées en boucles d’oreilles dotées de perles baroques, profils antiques gravés sur des chevalières et pendentifs-cercueils commencent à fleurir. De l’humour corrosif et de l’imagination d’Attilio surgissent ainsi des bijoux dont on soulève le couvercle pour y découvrir souvent des squelettes miniatures très précis « souriant à pleines dents » ou « en érection », rappelle William Middleton. Son fils, Mario, ami de l’imprésario et critique d’art Serge de Diaghilev et de l’intelligentsia des années 1930, y ajoutera des inspirations orientalisantes et byzantines, avec ses croix d’or piquées d’émeraudes et de rubis ou ses boucles-serpents en granules d’or. Attilio, enfin, mettra l’accent sur les crânes, remixant les influences pour mieux les faire rayonner.
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